Achat de masques : conformité, information des consommateurs, prix, fraudes
La pandémie de covid-19 a fait exploser les ventes de masques. Il existe différents modèles et une large fourchette de prix. Il est difficile pour le consommateur de s'y retrouver. De plus, comme c'est malheureusement le cas en période de crise, il existe des professionnels peu scrupuleux qui tentent de profiter de la situation. Les fraudes sont nombreuses.
Deux masques peuvent se ressembler alors que leurs caractéristiques et leurs performances sont très différentes. Comment savoir ce qu'on achète ? Quels sont les droits des consommateurs ? Voici quelques repères.
Sommaire
Conformité des masques à la réglementation
Modalités d'information des consommateurs
Attention aux nombreuses fraudes
Conformité des masques à la réglementation
Il est important pour les consommateurs de savoir quelles performances ils peuvent attendre des masques qu'ils achètent. Cela pose la question de la conformité du produit.
La conformité à la réglementation s’apprécie en fonction du type de masque. Quels sont donc les masques susceptibles d’être achetés par les consommateurs dans le contexte du covid-19 ? Le tableau ci-dessous, issu du Guide douanier d’importation des masques, donne une vision d’ensemble.
Nota : Concernant l'intérêt et l'efficacité des masques dans la prévention de la transmission interhumaine des infections par le virus SARS-CoV-2, nous renvoyons à l'avis de commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux de la Haute autorité de santé en date du 30 juin 2020 (pages 6 à 18).
Pour le consommateur, l’exigence de conformité à la réglementation diffère selon que les produits mis en vente doivent être conformes ou non à des normes obligatoires. Examinons la situation pour chaque type de masque.
Pour les masques à usage sanitaire, l’arrêté du 7 mai 2020 relatif à l’application du taux réduit de TVA distingue les masques destinés à la protection du porteur contre l'inhalation de gouttelettes (type FFP) et ceux destinés à la protection de l'environnement du porteur en évitant la projection de gouttelettes émises par ce dernier (masques chirurgicaux). On retrouve cette notion dans la colonne "objectifs" du tableau des Douanes ci-dessus.
Les deux types de masques sanitaires ont une caractéristique commune : ils sont soumis à une réglementation et des normes européennes. La conformité du produit à la règlementation de l'Union européenne se traduit par l'apposition obligatoire du marquage CE (Conformité Européenne), qui permet la mise en vente dans tous les Etats-membres de l'UE. Les normes varient en fonction du produit.
Les masques de protection respiratoire FFP
Du point de vue réglementaire il s’agit d’un appareil de protection respiratoire (APR). Les APR sont soumis à la réglementation relative aux équipements de protection individuelle (EPI), en particulier le règlement UE 2016/425 du 9 mars 2016.
Les masques FFP (Filtering Facepiece) appartiennent à la catégorie "demi-masques jetables" ou "pièces faciales filtrantes". Ils doivent être conformes aux exigences de la norme européenne EN149. La version actuellement en vigueur est la norme adoptée en 2001, avec son amendement 1 de mars 2009. Les masques FFP protègent le porteur contre les risques d'inhalation de particules susceptibles de contenir des agents infectieux. Ils sont classés en 3 catégories selon leur efficacité de filtration. Les masques FFP2 sont ceux utilisés en cas de covid-19. Ils filtrent au moins 94 % des aérosols (suspensions de particules). Ces protections concernent particulièrement les professionnels les plus exposés.
Sur chaque appareil de protection respiratoire (chaque masque FFP), on doit trouver les indications suivantes : marquage CE, n° et année de la norme, classe d'efficacité.
Les masques chirurgicaux
Du point de vue réglementaire il s’agit d’un dispositif médical.
Les dispositifs médicaux doivent satisfaire à des exigences de performance et de sécurité fixées par les textes européens. Les masques chirurgicaux sont soumis à la norme EN14683. Ils évitent la projection de gouttelettes émises par le porteur du masque. Ils sont classés en 3 catégories, selon l’efficacité de filtration bactérienne (EFB). Le masque chirurgical de type I filtre au moins 95% des bactéries. Le type II filtre au moins 98% des bactéries. Pour le type IIR, l'ajout de la lettre "R" signifie la résistance aux projections.
Attention !
Depuis le covid-19, des mesures temporaires dérogatoires ont été prises pour faciliter les importations de masques. Il devient difficile d'identifier de prime abord les différences entre les produits vendus comme masques à usage unique. L'instruction interministérielle du 9 juin 2020 précise quels masques peuvent être mis à disposition sur le marché national. Sans entrer dans les détails, on retiendra les points suivants :
Un système d'équivalence de normes a été mis en place pour les masques FFP et chirurgicaux (diverses normes de pays tiers sont reconnues équivalentes aux normes UE).
Outre les masques chirurgicaux ou "de type chirurgical" conformes aux normes, on peut trouver des masques de type chirurgical importés sans marquage CE, des masques de forme chirurgicale conformes à la norme chinoise GB/T 32610-2016. des masques dont la conformité aux normes n'est pas établie mais satisfaisant à certains critères vérifiés par des tests… L'annexe V de l'instruction du 9 juin 2020 détaille les modalités de mise à disposition de ces différents types de masques.
L'incapacité à fournir des masques sanitaires en quantité suffisante a conduit les pouvoirs publics à les réserver aux soignants. Cela a entrainé la création d'une nouvelle catégorie de masques, dénommés "masques grand public". Ils sont définis dans la note interministérielle du 29 mars 2020 (mise à jour le 26 avril 2020).
Les masques "grand public" lavables en tissu doivent répondre aux spécifications techniques définies à l'annexe I de la note du 29 mars 2020. Les masques de catégorie 1 ont une efficacité de filtration des particules de 3 µm supérieure à 90%. Ceux de catégorie 2 ont une efficacité supérieure à 70%. Les conditions de mise sur le marché sont encadrées par la note, qui impose entre autres la réalisation préalable de tests, l'apposition d'un logo et la fourniture d'une notice d'utilisation. Toutes les informations relatives aux masques grand public (notamment les résultats des tests) sont accessibles sur le site internet du ministère.
L'AFNOR (Association Française de Normalisation) a publié le document SPEC S76-001, établissant des spécifications pour la fabrication des masques grand public. Il permet aux industriels, mais aussi aux particuliers, de fabriquer des masques grand public de catégories 1 et 2 répondant aux objectifs fixés par la note précitée du 29 mars 2020.
Un système de certification NF MASQUES BARRIERES est mis en place par l'AFNOR. A partir du 1er septembre 2020, il permet d'identifier grâce au logo NF les masques conformes aux exigences de performance et de confort figurant dans le référentiel.
Enfin on peut trouver sur le marché d'autres masques en tissu. Il faut alors être prudent car ils ne satisfont pas à des critères de qualité précis et vérifiables.
En tout cas, rappelons que tous les produits mis sur le marché doivent satisfaire à l'obligation générale de sécurité, conformément à la directive 2001/95/CE et au code de la consommation.
Modalités d'information des consommateurs
D'une manière générale, les professionnels ont l'obligation de fournir une série d'informations aux consommateurs, conformément aux dispositions du code de la consommation. Dans le cas des masques, il existe des règles spécifiques, que nous présentons ici. Les règles varient selon le type de masques.
Comme on l'a vu précédemment, les masques chirurgicaux sont des dispositifs médicaux, soumis à la norme EN14683 ou à des normes étrangères déclarées équivalentes. Les informations requises sur l'étiquetage ou la notice des dispositifs médicaux sont énoncées par l'arrêté du 15 mars 2010, pris en application de l'article R. 5211-24 du code de la santé publique. Les dispositions de ce texte sont déclinées par l’instruction interministérielle du 9 juin 2020 précitée pour les masques de type chirurgical.
L'étiquetage du produit doit indiquer notamment :
- le nom ou la raison sociale et l'adresse du fabricant ;
- les indications strictement nécessaires pour identifier le dispositif, précisant que le dispositif est à usage unique ;
- la mention de la norme à laquelle il est conforme et le niveau de filtration si disponible ;
- le numéro du lot ou de série ;
- la date jusqu'à laquelle le dispositif devrait être utilisé, en toute sécurité ;
- les instructions particulières d'utilisation et les mises en garde et précautions à prendre.
L'instruction du 9 juin 2020 prévoit une mention supplémentaire pour les masques non conformes aux normes UE ou équivalentes. Cela concerne deux cas particuliers : les masques de forme chirurgicale conformes à la norme chinoise GB/T 32610-2016 / classe A et les masques ne répondant à aucune norme dont les performances sont garanties par des tests. L’étiquetage doit mentionner qu’il ne s’agit pas d’équipements de protection individuelle ou de dispositifs médicaux.
Par ailleurs, la DGCCRF (Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes) tolère des modalités d'information simplifiées. La date limite de cette tolérance, déjà repoussée, est fixée actuellement au 30 septembre 2020 (note DGCCRF à l'attention des professionnels en date du 24 juillet 2020). A défaut de notice ou d''étiquetage complet (et en français), un dépliant informant des consignes génériques d’utilisation doit être remis aux acheteurs de masque jetable de type chirurgical. Mais le consommateur peut obtenir sur demande communication des informations complètes énumérées ci-dessus.
Concernant les "masques grand public", les modalités d'information des consommateurs sont énoncées par la note interministérielle du 29 mars 2020. Un logo du modèle défini à l'annexe III de la note est apposé sur le produit, l'étiquetage ou l'emballage. Les performances de filtration sont indiquées de manière lisible sur l'emballage une notice d'utilisation est fournie avec le produit.
Les contrôles de la DGCCRF montrent que les consommateurs ne sont pas correctement informés. Dans de nombreux cas, on ne dispose pas d’une notice d’utilisation ou celle-ci est rédigée dans une langue étrangère. Pour les masques lavables, le nombre de lavages possibles n'est pas indiqué ou diffère de celui pour lesquels les tests ont été réalisés. Enfin, les contrôles montrent une confusion possible entre les différentes catégories de masques pouvant être commercialisés.
Fixation du prix des masques
Le fait que les autorités recommandent et/ou imposent le port du masque aux citoyens a créé un nouveau marché dans de nombreux pays, dont la France, où cette pratique était peu répandue voire inexistante. Les prix se sont envolés. Cela représente un marché juteux pour les distributeurs. Entre le 4 mai et le 12 juillet 2020, les masques (à usage unique ou en tissu) ont généré un chiffre d'affaires de 175 millions d'euros dans la grande distribution française (étude Nielsen). A cela s'ajoutent les ventes en ligne ou en pharmacie. Corrélativement, l'achat de masques représente un budget important pour les consommateurs. La CLCV a demandé des mesures d'accompagnement.
En règle générale, la fixation du prix des produits est libre. L'état d'urgence sanitaire permet de prendre par décret des mesures temporaires de contrôle des prix "pour prévenir ou corriger les tensions constatées sur le marché de certains produits" (art. L3131-15 du code de la santé publique). La violation de ces règles est passible des sanctions prévues par l'article L3136-1 alinéas 3 et 4 du code de la santé publique.
Le décret 2020-506 du 2 mai 2020 a encadré le prix des masques chirurgicaux à usage unique à compter du 3 mai 2020. Pour la vente au détail, le prix maximum s'élève à 95 centimes d'euros toutes taxes comprises par unité, outre les éventuels frais de livraison. A titre de comparaison, avant la pandémie de covid-19, une boîte de 50 masques chirurgicaux était vendue en pharmacie environ 5 €, soit 10 centimes le masque.
La Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) a publié un communiqué le 3 mai 2020. Elle "se félicite de la fixation par l’Etat, dans un décret publié ce jour [décret du 2 mai 2020], d’un prix limite de vente des masques chirurgicaux, en réponse à sa demande, ce qui permet de faciliter l’accès des populations à ces masques." (souligné par nous). Si le décret répond à la demande des professionnels, on peut comprendre qu'il s'agit de préserver les marges des pharmaciens plus que l'intérêt des consommateurs.
L'encadrement des prix s'applique jusqu'au 10 janvier 2021 aux masques chirurgicaux respectant la norme EN14683 ainsi qu'aux masques de type ou de forme chirurgicale à usage unique (décret 2020-858 du 10 juillet 2020).
Le prix maximal de 95 cts par masque, soit 47,50 € la boîte de 50 masques, est élevé. Il est d'ailleurs supérieur aux prix généralement pratiqués. En août 2020, le prix de vente d'une boite de 50 masques chirurgicaux de type IIR fabriqués en France, conformes à la norme EN14683, est d'environ 30 € TTC (soit 60 cts l'unité). On observe que des masques importés de Chine, avec des performances parfois inférieures, sont vendus en pharmacie à des prix comparables voire supérieurs (35 € la boîte de 50), ce qui parait excessif.
Le prix des autres masques est libre. Cela vaut pour les masques grand public en tissu et les masques FFP2. Lorsque ces produits sont vendus en pharmacie, la règle habituelle s'applique : le prix doit être fixé "avec tact et mesure" (article R4235-65 du code de la santé publique), ce qui n'est pas très contraignant.
La vente des masques (sanitaires et grand public) est soumise au taux réduit de TVA de 5,5% (arrêté du 7 mai 2020). Mais, comme l'a relevé un député, la baisse de TVA "n'a pas eu beaucoup d'effet sur le prix. Elle a consolidé la marge des revendeurs et les prix n'ont pas baissé pour autant" (Assemblée nationale, séance du 18 juin 2020).
Par ailleurs, signalons que des distributions gratuites de masques sont organisées. Beaucoup de collectivités territoriales ont distribué à la population des masques grand public lavables. Les personnes atteintes de covid-19, les contacts et les personnes à très haut risque médical bénéficient de masques chirurgicaux du stock d'État via le réseau des pharmacies (arrêté du 10 juillet 2020).
Enfin, se pose la question du remboursement par la sécurité sociale. Les dispositifs médicaux remboursés aux assurés sociaux sont inscrits sur la liste des produits et prestations remboursables (LPPR) prévue à l’article L 165-1 du code de la sécurité sociale. A ce jour on n'y trouve pas de masque. Cela devrait changer. Un laboratoire français vient d'obtenir un avis favorable de la commission d'évaluation de la Haute autorité de santé (HAS) pour la prise en charge d'un masque chirurgical de type II fabriqué en Chine. Le tarif n'est pas encore connu.
Attention aux nombreuses fraudes !
Depuis le début de la pandémie de covid-19, les pratiques consistant à vendre des produits contrefaits, non conformes aux normes ou comportant des allégations trompeuses prolifèrent. Avec le marché gigantesque qu'ils représentent, les masques offrent un champ d'action privilégié aux fraudeurs et escrocs. On a même vu se développer un marché noir lorsque les masques sanitaires étaient soumis à réquisition par l’État français.
La douane indique qu'elle constate de plus en plus de fraude sur les importations de masque. De fausses attestations de conformité sur les masques circulent.
A l'échelle de l'Union européenne, plusieurs pays ont signalé des produits dangereux via le système d'alerte rapide RAPEX. Ainsi, au cours des dernières semaines, plus d'une centaine d'alertes concernent des masques importés de Chine, ne satisfaisant pas aux normes en vigueur et présentant des risques pour les consommateurs. Ce n'est que la partie émergée de l'iceberg.
Lors d'un contrôle relatif au port du masque sur un marché de Castelnaudary le 17 août 2020, la gendarmerie a constaté que deux marchands ambulants vendaient des masques chirurgicaux non conformes. C'est un exemple parmi tant d'autres.
Les consommateurs doivent être conscients de ces pratiques. La plus grande vigilance s'impose donc lorsqu'on achète des masques.