Les futurs compteurs électriques profitent-ils au consommateur ?
« Méfiez-vous des réseaux intelligents : ils pourraient, demain, vous prendre pour des imbéciles ! »
Cette mise en garde a été proférée par le député François Brottes devant la Commission des affaires économiques de l'assemblée nationale le 9 mars 2011.
La commission tenait une table ronde sur l’« évolution vers des réseaux d’électricité intelligents et la convergence avec les réseaux de communications électroniques », avec la participation de représentants d’entreprises et de la Commission de Régulation de l'Énergie (CRE).
Revenons sur quelques-uns des propos tenus lors de cette séance.
La Commission de Régulation de l'Énergie a rappelé qu’elle était « très engagée dans la réflexion sur le développement des smart grids » (réseaux intelligents). Effectivement la CRE a même créé un site spécifique.
Elle y explique qu’elle crée un « think tank virtuel au service du développement des réseaux du futur ».
La liste des « contributeurs » montre la place prépondérante des industriels.
Pourtant la CRE a pour mission de concourir, « au bénéfice des consommateurs finals, au bon fonctionnement des marchés de l’électricité et du gaz naturel ».
Or, dans son intervention devant les députés, la Commission de régulation de l'énergie paraissait plus encline à faire la promotion des réseaux et compteurs « intelligents » qu’à rechercher le bénéfice pour les consommateurs.
A qui profite le système ?
La CRE explique que le réseau intelligent doit permettre de faire face aux « fortes contraintes : l'intégration des énergies renouvelables, la gestion de la consommation de pointe, l'augmentation de la consommation et l'apparition de nouveaux usages ». C’est bien le rôle normal du gestionnaire de surmonter ces contraintes.
Elle ajoute :
« Derrière le smart grid, se dessine un projet industriel français au service de notre économie et de l'emploi local ».
Effectivement, il est clair que le projet intéresse plus les entreprises que les consommateurs.
La CRE explique qu’un « champ d’innovations extrêmement riche » s’ouvre pour les industriels. Les consommateurs se verront proposer des offres « beaucoup plus complexes », de multiples services complémentaires, dans un marché ouvert à la concurrence.
Certains députés tempèrent cet enthousiasme.
Par exemple, M. Brottes craint qu’ « on embobine le consommateur en lui proposant tout un lot de prestations dont il n'a pas forcément besoin, mais dont le paiement assure les marges commerciales ».
M. Suguenot ajoute que « chaque acteur essaiera de gagner de l'argent et le consommateur, s'il manque de vigilance, risque d'être un peu victime de ce nouveau système ».
Quelle évaluation ?
Posant la question de la généralisation du « compteur intelligent », M. Suguenot a déclaré :
« une directive européenne impose la mise en place de ces réseaux ».
Or cette affirmation doit être nuancée.
La directive 2009/72 du 13 juillet 2009 envisage, parmi les mesures de protection des consommateurs, « la mise en place de systèmes intelligents de mesure qui favorisent la participation active des consommateurs au marché de la fourniture d’électricité ».
Cela suppose donc déjà que de tels systèmes bénéficient en priorité aux consommateurs.
Surtout la directive prévoit « une évaluation économique à long terme de l’ensemble des coûts et des bénéfices pour le marché et pour le consommateur, pris individuellement ». Ce n’est que sous réserve d’une évaluation favorable que les clients pourront être équipés de « compteurs intelligents ».
Précisément, où en est l’évaluation ?
ERDF a précisé que la première étape du développement résidait dans le compteur communicant. L’expérimentation touche à sa fin ; 250 000 compteurs ont été installés.
Pour autant, aucun bilan n’a été présenté, la CRE se contentant d’indiquer :
« l'évaluation de l'expérimentation Linky permettra de vérifier si les fonctionnalités du projet, conçues pour être au service du consommateur, sont vraiment fonctionnelles, si leur coût ne dérive pas et si elles sont suffisantes pour atteindre leur objectif, à savoir la maîtrise de l'énergie et la meilleure efficacité énergétique ».
L’information est-elle sécurisée ?
Plusieurs intervenants ont mentionné la problématique de la sécurisation de l'information.
Le projet de réseau intelligent et de comptage évolué, qui implique la détention d’informations sensibles, peut présenter des risques pour la vie privée.
M. Gaubert a rappelé que « les ordinateurs du Pentagone, de Bercy et de l'Elysée devaient être parfaitement sécurisés et ils ont pourtant été piratés. Il faudra donc prendre les mesures qui s'imposent pour se prémunir contre les intrusions. »
ERDF confirme que « le cryptage des informations constitue un problème important ». Il faut « garantir que le niveau de cryptage évolue aussi rapidement que les performances des pirates. »
Des interrogations demeurent !
Laissons la conclusion au député François Brottes :
« Toute la question, qui nous est posée en tant que responsables politiques, est de savoir si l'évolution technologique (…) va dans le sens de l'intérêt du consommateur et d'une bonne visibilité de ce qu'on va lui proposer. Je n'en suis pas sûr. (…)Les coûts augmenteront pour le consommateur sans pour autant que les services rendus soient au rendez-vous ».