Comment s'informer sur la gestion des déchets dans sa commune ?

Publié le par Jacqueline Jamet, docteur en droit

Depuis plusieurs années des campagnes de sensibilisation ont favorisé la prise de conscience par les citoyens de la nécessité de réduire les déchets. C'est l'objet notamment de la Semaine Européenne de la Réduction des Déchets (SERD), organisée la dernière semaine de novembre sous l'égide de l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie (ADEME).

De plus en plus, les consommateurs comprennent qu'il est urgent de changer nos modes de production et de consommation, en économisant les ressources et en limitant notre impact sur l'environnement.

La quantité de déchets ménagers a doublé en 40 ans. On ne peut plus se contenter de collecter et d'éliminer toujours plus de déchets, à un coût en perpétuelle augmentation. Une politique plus ambitieuse de réduction des déchets s'impose.

La réussite de cette politique de réduction des déchets passe par la participation active des consommateurs citoyens. Or cette participation suppose préalablement information et transparence. L'outil privilégié pour cette information est le rapport annuel sur le prix et la qualité du service public de prévention et de gestion des déchets (RPQS).

Le guide "Rapport du service public de prévention et de gestion des déchets ménagers et assimilés", édité par l'ADEME précise :

"Ce rapport annuel vise un double objectif :

  •  rassembler et mettre en perspective, dans une logique de transparence, les données existantes sur le sujet ;
  • permettre l’information des citoyens sur le fonctionnement, le coût, le financement et la qualité du service et, ce faisant, favoriser la prise de conscience par les citoyens des enjeux de la prévention et du tri des déchets, mais aussi de l’économie circulaire et de leur propre rôle dans la gestion locale des déchets".

Le RPQS déchets est en général ignoré des usagers. Pourtant il contient des informations très intéressantes sur l’organisation du service des déchets et son financement, qui représente un coût de plus en plus élevé pour les ménages.

Sommaire

L'obligation d'informer les usagers

Indicateurs techniques relatifs à la collecte des déchets

Indicateurs techniques relatifs au traitement

Indicateurs financiers

L'obligation d'informer les usagers

Les communes assurent le service public de prévention et de gestion des déchets des ménages. Elles peuvent également prendre en charge certains déchets produits par des entreprises (artisans, commerçants, bureaux…) ou des administrations. On parle donc des déchets ménagers et assimilés (DMA).

Lorsque les communes sont regroupées au sein d'un établissement public de coopération intercommunale (EPCI), ce dernier est compétent pour l'organisation du service public des déchets. Ainsi, ce sont les communautés de communes, communautés d‘agglomération, communautés urbaines et métropoles qui assurent la collecte et le traitement des déchets ménagers.

La président de la collectivité doit rendre compte de sa gestion. Le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale présente à son l'assemblée délibérante (conseil municipal ou conseil communautaire) un rapport annuel sur le prix et la qualité du service public de prévention et de gestion des déchets ménagers et assimilés, destiné notamment à l'information des usagers (article L2224-17-1 du code général des collectivités territoriales, CGCT). On parle du RPQS ou du rapport annuel du maire.

Les modalités de présentation et le contenu du RPQS sont fixés par les articles D2224-1 et suivants du CGCT (modifiés par le décret 2015-1827 du 30 décembre 2015).

Le rapport rend compte de la situation de la collectivité territoriale par rapport à l'atteinte des objectifs de prévention et de gestion des déchets fixés au niveau national. Il présente la performance du service ainsi que les recettes et les dépenses par flux de déchets et par étape technique.

Ces dispositions s'appliquent quel que soit le mode d'exploitation du service public des déchets (exploitation directe en régie par la collectivité ou gestion déléguée à une entreprise).

En cas de délégation de service public, les rapports annuels précisent la nature exacte des services délégués. Les indicateurs financiers relatifs aux recettes perçues distinguent la part revenant au délégataire et celle revenant à la commune ou à l'établissement public de coopération intercommunale (article D2224-4 CGCT). On notera que l'entreprise délégataire du service public doit elle-même rendre compte de sa gestion dans un rapport remis à la collectivité publique (autorité délégante), pour lui permettre de contrôler l'exécution du contrat. C'est le rapport du délégataire (RAD), qu'il faut bien distinguer du rapport du maire, auquel est consacré le présent article.

Le rapport du maire ou RPQS doit contenir obligatoirement une série d'indicateurs techniques et financiers. La liste figure en annexe XIII du code général des collectivités territoriales.

Le rapport est présenté à la Commission consultative des services publics locaux, qui comprend des associations locales d’usagers. Si vous voulez faire remonter des questions ou des propositions, adressez-vous aux associations dont vous êtes membre et qui vous représentent (comme la CLCV).

Le rapport et l'avis du conseil municipal ou de l'assemblée délibérante sont mis à la disposition du public (article L1411-13 CGCT). Cette mise à disposition du public a lieu sur place à la mairie (avec avis par voie d'affiche apposée en mairie). La loi prévoit également la publication sur le site internet de la collectivité ou du syndicat de collecte.

Les rapports sont de format varié. Certains sont très condensés, composés d'illustrations et de tableaux, avec peu de commentaires. C'est le cas du RPQS 2019 de Vannes agglomération, qui tient en 16 pages. D'autres sont longs et contiennent beaucoup d'explications. Ainsi la métropole de Grenoble publie un RPQS 2019 de 116 pages mais propose aussi une synthèse de 2 pages. En intermédiaire on trouve par exemple le RPQS 2019 des métropoles de Montpellier (50 pages) ou Rennes (48 pages).

Indicateurs techniques relatifs à la collecte des déchets

Le service public en charge de la gestion des déchets les collecte auprès des ménages. Il existe plusieurs techniques de collecte, en fonction du type de déchets.

Les ordures ménagères résiduelles (OMR), c'est-à-dire celles qui restent une fois le tri effectué par les consommateurs, sont en général placées dans des bacs fournis aux habitants puis collectées par camion en porte à porte.

D'autres déchets peuvent être collectés de la même manière : emballages et papiers, déchets organiques (bio-déchets), déchets volumineux (encombrants).

Dans certaines configurations, un seul contenant est attribué à un groupe d'usagers. La collecte se fait alors dans les points de regroupement,

Les déchets peuvent être déposés dans des points d'apport volontaire (PAV) : par exemple conteneur pour le verre, le textile, les emballages… Les déchèteries permettent de déposer gravats, encombrants, déchets verts…

Les modalités de collecte sont fixées par la commune ou l'EPCI en fonction du contexte local (territoire desservi, population, type d'habitat…). Tout cela doit être détaillé dans le RPQS, avec les indicateurs suivants :

a) Territoire desservi (dans le cas d'un établissement public de coopération intercommunale).

b) Collecte des déchets pris en charge par le service :

  • nombre d'habitants (population municipale) et nombre de bénéficiaires du service n'étant pas des ménages desservis en porte à porte et, le cas échéant, à des points de regroupement (nombre de tels points) ;
  • fréquence de collecte (variations sur le territoire concerné ; variations saisonnières, le cas échéant ; fréquence de collecte pour les terrains de camping et caravanage s'ils existent) ;
  • nombre et localisation des déchèteries, si elles existent, et types de déchets qui peuvent y être déposés ;
  • collectes séparées proposées : types de déchets concernés et modalités de collecte ;
  • types de collecte des déchets encombrants et paramètres afférents (nombre de lieux de dépôt et/ ou fréquences de ramassage) ;
  • tonnage ou volume maximal individuel au-delà duquel un producteur de déchets non ménagers ne peut pas être collecté ;
  • bilan des tonnages enlevés au cours de l'exercice considéré, et au cours du précédent exercice, par flux de déchets, en distinguant les déchets ménagers et les déchets assimilés, en quantités totales et rapportées au nombre d'habitants (population municipale) pour les déchets ménagers ;
  • organisation de la collecte et ses évolutions prévisibles.

On trouvera ci-dessous quelques exemples d'informations sur la collecte des déchets extraites de divers RPQS.

 

Depuis plusieurs années, la priorité est devenue la prévention des déchets, ce qui est parfois traduit par l'expression "le meilleur déchet est celui qu’on ne produit pas". C'est depuis longtemps la position défendue par la CLCV. Depuis le décret du 30 décembre 2015, un nouvel indicateur a fait son apparition dans le RPQS :

c) Prévention des déchets ménagers et assimilés : indice de réduction des quantités de déchets ménagers et assimilés produits avec une base 100 en 2010.

Le rapport présente les actions de prévention menées sur le territoire et leurs effets. Voici un exemple extrait du RPQS Chambéry agglomération 2019.

Indicateurs techniques relatifs au traitement

Que deviennent nos déchets une fois collectés ? Ils sont acheminés vers des unités de traitement. Le plus souvent, les déchets font l'objet d'une valorisation, c'est-à-dire qu'ils sont utilisés comme ressource secondaire. Il s'agit d'une valorisation matière (sous forme de réemploi, réutilisation, recyclage, conversion en combustible, compostage) ou, à défaut, une valorisation énergétique (par incinération).

Le RPQS doit rendre compte des modalités de traitement mises en œuvre par la collectivité. Les indicateurs portent sur :

a) Traitement des déchets ménagers et assimilés collectés conjointement :

  • localisation des unités de traitement et nom de leur exploitant ;
  • nature des traitements et des valorisations réalisées par flux de déchets ;
  • capacité de ces unités et tonnage traité dans l'année par flux de déchets ainsi que, le cas échéant, la performance énergétique des installations au regard de la directive 2008/98/ CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets et abrogeant certaines directives ;
  • taux global de valorisation matière et de valorisation énergétique des quantités (en masse) de déchets ménagers et assimilés ;
  • indice de réduction des quantités de déchets non dangereux non inertes admis en installation de stockage avec une base 100 en 2010.

b) Mesures prises dans l'année pour prévenir ou atténuer les effets préjudiciables à la santé de l'homme et à l'environnement des opérations de gestion des déchets.

On trouvera ci-dessous quelques exemples d'informations sur le traitement des déchets extraites de divers RPQS.

 

Indicateurs financiers

Les collectivités et leurs groupements peuvent gérer les déchets en régie directe, avec leurs propres agents. Il existe différents modes de régie. Les collectivités peuvent également décider d'opter pour une gestion déléguée du service public. Elles chargent des entreprises privées d'assurer la collecte des déchets ou de gérer des infrastructures de traitement, comme des usines d'incinération ou de méthanisation.

Le RPQS doit contenir une série d'indicateurs financiers, exprimés en € HT, en € HT par tonne et en € HT par habitant.

a) Modalités d'exploitation du service public de prévention et de gestion (régie, délégation, etc.) en distinguant, si besoin est, les différentes collectes et les différents traitements ;

b) Montant annuel global des dépenses liées aux investissements et au fonctionnement du service, et modalités de financement y compris la répartition entre les différentes sources de financement ;

Exemple de postes liés au fonctionnement du service dans le RPQS de Vannes agglomération 2019.

c) Montant annuel des principales prestations rémunérées à des entreprises ;

 d) Modalités d'établissement de la redevance spéciale d'élimination des déchets, et modalités d'établissement de la taxe ou de la redevance d'enlèvement des ordures ménagères, le cas échéant incitative ;

La commune ou l'EPCI peuvent instituer une redevance spéciale afin de financer la collecte et le traitement des déchets assimilés aux déchets ménagers, c'est-à-dire ceux produits par des entreprises privées ou des établissements publics (article L2233-78 CGCT)

e) Produits des droits d'accès aux centres de traitement dont la collectivité est maître d'ouvrage pour les déchets assimilés apportés directement par les entreprises elles-mêmes ou par des collectivités clientes ;

f) Montant global et détaillé des différentes aides publiques et des soutiens reçus d'organismes agréés pour la gestion des déchets issus de produits relevant des dispositions de l'article  541-10 du code de l'environnement (investissements, soutien à la tonne triée, soutien aux tonnes de matériaux valorisés, soutien à l'information des usagers, etc.) ;

Les éco-organismes jouent un rôle important dans le domaine des collectes sélectives et de leur traitement. Certaines filières financent les collectivités pour mettre en place des opérations de collecte, tri, traitement. Les collectivités passent des contrats avec ces éco-organismes.

g) Montant global et détaillé des recettes perçues au titre de la valorisation (vente de matériaux, d'électricité, de chaleur, etc.) en les précisant par flux de déchets ;

Les recettes de valorisation des déchets proviennent des ventes de :

  • produits à recycler : par ex matériaux d’emballages,
  • compost, dont le prix varie selon la qualité et qui est parfois distribué gratuitement,
  • chaleur produite par incinération vendue à des réseaux de chauffage urbain ou à des industriels,
  • électricité, produite par incinération ou à partir du biogaz.

h) Coût aidé tous flux confondus et pour chaque flux de déchets et analyse de leurs évolutions sur les trois dernières années ;

Le coût aidé est l'ensemble des charges, notamment de structure, de collecte et de transport, moins les produits industriels (ventes de matériaux et d'énergie, prestations à des tiers), les soutiens des organismes agréés pour la gestion des déchets issus de produits relevant des dispositions de l'article L. 541-10 du code de l'environnement (les éco-organismes) et les aides publiques. C’est le reste à charge que la collectivité doit financer.

 
i) Coût complet par étapes techniques (par exemple la collecte, le transport, le tri, le traitement) tous flux confondus et pour chaque flux de déchets.

L'ADEME publie périodiquement un référentiel national des coûts du service public de prévention et de gestion des déchets. Les coûts varient fortement du fait de la diversité des organisations du service public, des variations des quantités de déchets collectés et des contraintes des territoires. Il pourra donc être intéressant de situer le positionnement de la collectivité par rapport à ce référentiel.

On le voit : beaucoup d'informations sont disponibles sur la gestion des déchets. Les consommateurs citoyens sont nombreux à se demander comment sont utilisées les taxes ou redevances perçues pour les ordures ménagères et pourquoi elles n'ont cessé d'augmenter. La lecture du rapport annuel sur le prix et la qualité du service public de prévention et de gestion des déchets donne les clefs pour comprendre et s'impliquer.

 #serd2020

Publié dans Environnement

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