Qu'est-ce que le droit à l'eau ?

Publié le par Jacqueline Jamet, docteur en droit

Le droit fondamental à l'eau et à l'assainissement reconnu par l'ONU

En 2010, les Nations Unies reconnaissent que "le droit à l’eau potable et à l’assainissement est un droit fondamental, essentiel à la pleine jouissance de la vie et à l’exercice de tous les droits de l’homme" (résolution de l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations-unies en date du 28 juillet 2010).

Une nouvelle résolution, intitulée "Les droits de l’homme à l’eau potable et à l’assainissement", est adoptée le 17 décembre 2015. Elle explicite le contenu de ces droits :

  • "le droit de l’homme à l’eau potable doit permettre à chacun d’avoir accès sans discrimination, physiquement et à un coût abordable, à un approvisionnement suffisant en eau salubre et de qualité acceptable pour les usages personnels et domestiques," 
  • "le droit de l’homme à l’assainissement doit permettre à chacun, sans discrimination, d’avoir accès physiquement et à un coût abordable, à des équipements sanitaires, dans tous les domaines de la vie, qui soient sans risque, hygiéniques, sûrs, socialement et culturellement acceptables et gages d’intimité et de dignité."

La refonte de la directive européenne sur l'eau potable

La question du droit à l'eau et à l'assainissement a fait l'objet de la toute première initiative citoyenne européenne, lancée en 2012 : "L’eau, un droit humain" (Right2Water). Elle a recueilli plus de 1,8 million de signatures. Elle demandait notamment que "les institutions européennes et les États membres soient tenus de faire en sorte que tous les habitants jouissent du droit à l'eau et à l'assainissement" et que "l'Union européenne intensifie ses efforts pour réaliser l'accès universel à l'eau et à l'assainissement".

A la suite de cette initiative, la directive eau potable a fait l'objet d'une refonte en 2020. La nouvelle directive comporte des dispositions visant à améliorer l’accès aux eaux destinées à la consommation humaine (directive UE 2020/2184 du 16 décembre 2020 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine, abrogeant la directive 98/83/CE modifiée).

L'article 16 de la directive 2020/2184 dispose que les États membres "prennent les mesures nécessaires pour améliorer ou préserver l’accès de tous aux eaux destinées à la consommation humaine, en particulier des groupes vulnérables et marginalisés". Les États membres doivent :

  • identifier les personnes n’ayant pas accès ou ayant un accès limité aux eaux destinées à la consommation humaine, y compris les groupes vulnérables et marginalisés ;
  • évaluer les possibilités d’améliorer l’accès à l'eau de ces personnes ;
  • informer ces personnes des possibilités de connexion à un réseau de distribution ou d’autres moyens d’accès à l'eau ;
  • prendre des mesures afin de garantir l’accès à l’eau pour les groupes vulnérables et marginalisés.
  • En outre, pour promouvoir l’utilisation de l’eau du robinet, les États membres veillent à ce que des équipements intérieurs et extérieurs soient installés dans les espaces publics, sous certaines conditions.

Le droit à l'eau et à l'assainissement en France

En France, l’article L. 210-1 du code de l’environnement dispose, depuis la loi n°2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques (LEMA) : "l'usage de l'eau appartient à tous et chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d’accéder à l’eau potable, dans des conditions économiquement acceptables par tous".

Ces dernières années, plusieurs propositions de loi ont été déposées tendant à garantir une mise en œuvre effective du droit humain à l'eau potable et à l'assainissement. Elles n'ont toujours pas abouti. La directive 2020/2184 devra également être transposée en droit français.

 

L'interdiction des coupures d'eau et de la réduction de débit

L’usage de l’eau potable est essentiel  et ne peut être remis en cause. Le distributeur n'a pas le droit de couper l'eau ou de réduire le débit si un abonné ne paye pas sa facture.

L'interdiction des coupures d'eau pour les résidences principales a été consacrée par la loi nº2013-312 du 15 avril 2013, modifiant l'article L.115-3 du code de l'action sociale et des familles (dite loi Brottes). Cette disposition a été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel le 29 mai 2015.

La réduction du débit d'eau (lentillage) en cas de non-paiement des factures est également interdite (Cass. civ. 1ère, 16 mai 2018, n° 17-13395).

 

Le droit à réparation en cas d'interruption du service ou de mauvaise qualité

Le service des eaux est responsable en cas de troubles causés aux usagers par des accidents de service (interruption de fourniture, variation de pression...). Le règlement de service, qui définit les droits et obligations du distributeur et des usagers, doit donc prévoir un droit à réparation en cas d’interruption du service ou de non respect de la qualité de l’eau.. La Commission des clauses abusives l'a rappelé dans deux recommandations (n°85-01 de 1982 et 01-01 de 2001).

Lorsque l'eau délivrée n'est pas conforme aux exigences réglementaires, le distributeur peut être condamné à réparer le préjudice subi par les usagers (Cass. civ. 1ère, 27 mars 2019, 18-11.485).

 

Le droit à un logement décent

Le droit à l'eau fait également partie de la notion de logement décent.

Le bailleur doit fournir au locataire un logement décent, ce qui comporte notamment l'alimentation en eau potable et l'évacuation des eaux usées (décret du 30 janvier 2002).

 

L'accès à l'eau et à l'assainissement à un coût abordable

L'accès à l'eau doit être garanti "dans des conditions économiquement acceptables par tous" (article L. 210-1 du code de l’environnement).

La loi du 27 décembre 2019 autorise les services publics d’eau et d’assainissement "à mettre en œuvre des mesures sociales visant à rendre effectif le droit d’accéder à l’eau potable et à l’assainissement dans des conditions économiquement acceptables par tous". Elle prévoit que différentes mesures peuvent être envisagées, comme l'adoption de tarifs tenant compte de la composition ou des revenus du foyer, ou de tarifs incitatifs définis en fonction de la quantité d’eau consommée ou bien encore l'attribution d'aides financières (article L. 2224-12-1-1 du code général des collectivités territoriales créé par la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique). Cette nouvelle disposition fait suite à l'expérimentation de la tarification sociale de l'eau et de l'assainissement, qui avait été prévue par la loi Brottes de 2013.

La CLCV, qui réalise régulièrement des enquêtes sur le prix de l'eau et de l'assainissement, a mis en lumière différents problèmes et proposé des solutions pour un droit à l'eau effectif pour tous. La CLCV dénonce "des abonnements parfois très élevés pour l’eau et l’assainissement, qui vont à l’encontre de la mise en œuvre du droit à l'eau effectif pour tous et d’une consommation responsable de la ressource".

La CLCV a été auditionnée le 18 mars 2021 par la Commission d’enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences. Elle a fait valoir notamment que : "Les conditions d’accès à l’eau et les structures tarifaires doivent permettre à tous d’accéder à l’eau dans des conditions abordables, sans qu’il soit nécessaire de justifier de sa situation économique et sociale. La loi (…) permet une tarification vertueuse, qui passe par la suppression des parts fixes et de frais annexes tels que des frais d’accès au service, et une tarification progressive qui prend en compte la composition des ménages. Ces solutions ne résoudront pas toutes les difficultés. Certains ménages auront toujours du mal à accéder à l’eau, mais si une tarification vertueuse est appliquée, le nombre de personnes à aider sera très inférieur à ce qu’il est aujourd’hui. En effet, en moyenne, les aides distribuées aujourd’hui correspondent à la moyenne du montant des abonnements et des parts fixes."

 

Pour aller plus loin :

Le point sur le droit à l’eau et à l’assainissement

 

Publié initialement le 20/03/2019 - Dernière modification le 21/05/2021

Publié dans Consommation, Environnement

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