Fraudes alimentaires : des contrôles à l'importation défaillants

Publié le par J. Jamet

La France est de plus en plus dépendante des importations pour l'alimentation de la population. Or, selon le sénateur Laurent Duplomb, "les autorités ne parviennent pas à garantir que les denrées importées respectent nos normes faute de contrôles, malgré ce qu'elles affirment lorsqu'elles signent des accords de libre-échange" (rapport d'information référencé ci-dessous, souligné par nous).

Un nouveau scandale alimentaire a été révélé en septembre 2020 lorsque la présence de résidus d'oxyde d'éthylène a été massivement détectée dans des graines de sésame importées d'Inde.  Or l'Union européenne interdit l'usage alimentaire de l'oxyde d'éthylène depuis de nombreuses années. Cette substance est classée cancérogène, mutagène et toxique pour la reproduction (CMR).

Les produits concernés par la fraude

A ce stade, la fraude repérée touche principalement de multiples produits contenant des graines de sésame contaminé (pain, biscuits, houmous, huile, etc.). Même les produits labellisés en agriculture biologique sont largement concernés, "ce qui signifie que les certificats liés aux graines de sésame étaient mensongers" (rapport Duplomb).

Les autorités sanitaires ont été amenées à prendre des mesures de retrait/rappel des produits contaminés. La liste n'en finit plus de s'allonger.

Rappel de produits contenant de l'oxyde d'éthylène

Les graines de sésame contaminées proviennent principalement d'Inde. On a aussi trouvé des lots de graines non conformes en provenance du Vietnam, de Chine ou de Jordanie. D'autres pays de provenance sont également cités, que ce soit en Afrique ou Amérique latine.

Des résidus d'oxyde d'éthylène ont également été retrouvés dans de l'amarante issue de l'agriculture biologique, des mélanges d'épices, du psyllium biologique, des échalotes séchées… D'autres produits pourraient être concernés, comme les oignons, l'ail et même tout type d'épices ou de graines.

Une protection des consommateurs insuffisante

Les moyens consacrés aux contrôles des denrées alimentaires importées au niveau européen et au niveau national sont très limités.

L'Union européenne recense 1498 substances actives, dont 907 interdites. Mais le plan de contrôle européen prévoit d'en contrôler seulement 176. La France va au-delà de cette exigence et contrôle 568 substances. Il reste donc près de 900 substances qui ne sont jamais contrôlées. Cette absence de contrôle favorise le contournement des normes sur les limites de résidus par les opérateurs étrangers.

Le rapport sénatorial déplore que les moyens du Service Commun de Laboratoires, en charge des contrôles aux importations sur les denrées végétales en France, aient été réduits, avec des suppressions d'emplois. Cette situation impose une priorisation des contrôles (alors que des moyens sont mobilisés pour faire face aux flux induits par le Brexit).

C'est pourtant la sécurité sanitaire de l'alimentation qui est en jeu. Les risques pour les consommateurs ne peuvent que croitre avec la hausse constante des importations. Celle-ci parait inéluctable en raison non seulement du développement de la consommation de certains produits (soja, sésame…) mais aussi de la multiplication de la signature des accords de libre-échange par l'Union européenne. Or, selon le rapport, sans contrôles, les garanties obtenues lors de la signature d'accords de libre-échange sont ineffectives. "Faute de contrôles suffisants, il est impossible aujourd'hui de garantir que les produits importés respectent les normes minimales requises en Europe. Le cas des graines de sésame indiennes vient de le rappeler."

Les consommateurs sont normalement protégés par des procédures de retraits et rappels de produits. Or, avant que ces procédures ne soient mises en œuvre à l'initiative de la Belgique, les produits ont été commercialisés et consommés depuis plusieurs mois, voire des années, notamment en France. De plus, après l'annonce des mesures, des consommateurs ont continué à trouver en rayon des produits qui auraient dû être retirés.

Le problème ne concerne pas que les denrées végétales (comme les graines de sésame).

Le rapport ajoute : "Avec les moyens actuels, il apparaît encore plus illusoire de contrôler que les denrées animales importées de pays tiers respectent les normes de production exigées au niveau européen. Comment en effet contrôler efficacement la non-utilisation d'OGM, d'hormones de croissance ou de farines animales tout au long de la vie de l'animal élevé à l'étranger ?"

La commission sénatoriale appelle à sortir de la naïveté et à une plus grande vigilance européenne et française sur les denrées alimentaires importées.

Référence

Rapport d'information n° 368 (2020-2021) de M. Laurent DUPLOMB, fait au nom de la commission des affaires économiques du Sénat, sur les retraits et les rappels de produits à base de graines de sésame importées d'Inde ne respectant pas les normes minimales requises dans l'Union européenne, déposé le 17 février 2021.

Voir aussi

Fraudes alimentaires : restons vigilants !

Publié dans Consommation

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