Un point sur le devoir de conseil

Publié le par CLCV34

On en parle souvent de ce fameux "devoir de conseil", sans trop savoir ce qu'il recouvre ou quels sont les textes qui le fondent. C'est un morceau de "l'obligation d'information" mais les juristes s'opposent encore sur ce qui est "conseil" et ce qui est "information". Ce devoir s'exprime un petit peu différemment du "devoir de mise en garde" mais les résultats de l'un et de l'autre sont finalement assez semblables.

Fondement et contenu

Le fondement du devoir de conseil, c'est le caractère "profane" du consommateur face au professionnel considéré comme éclairé (Cour de Cass. Ch. civ. 1, 2002-04-03, 00-12508). Donc, pour qu'un contrat souscrit entre les deux soit équilibré, il faut que le niveau d'information des deux soit relativement équilibré. Par exemple, selon un arrêt de 1964, les courtiers en assurances sont considérés comme des "guides sûrs" et des "conseillers expérimentés".
Généralement, le devoir de conseil concerne tous les professionnels.
Mais :
- il est renforcé dans certains domaines
(L 11-3 du Code de la Consommation)  pour des questions d'hygiène (d'où l'obligation d'étiquetage alimentaire et autres), liées à l'importance de l'achat (d'où la protection particulière de la souscription de crédits)...

-
il s'applique en particulier  aux professions "intellectuelles et savantes" telles que les avocats, notaires, banquiers, architectes, experts-comptables ou assureurs, qui eux surtout doivent protéger leurs clients sur le plan juridique, car leur travail EST justement de conseiller les gens.

Le contenu du devoir de conseil est assez immatériel. Il perdure tout au long du contrat qui lie le professionnel au consommateur. Il comprend une obligation de loyauté du professionnel qui doit renseigner le consommateur sur l'opportunité de conclure ou non tel ou tel contrat, tel ou tel avenant.

Certaines professions sont encore plus sévèrement encadrées sur ce point : l'Avocat par exemple doit donner des conseils étayés sur des fondements de droit pour qu'ils soient considérés comme valables, et doit pousser le conseil jusqu'à informer son client des conséquences du recours qu'il envisage (
Cour de Cass. Ch. civ. 1, 1997-04-29, 94-21217). Le notaire doit prendre toutes les dispositions pour assurer l'efficacité de l'acte qu'il rédige.

Limites

Pour qu'il y ait devoir de conseil, il faut qu'il y ait un mandat au moins moral qui lie le conseiller et le consommateur. Le devoir de conseil se limite par contre à la compétence du conseiller, qui n'est pas forcément expert dans un domaine extérieur au sien : l'assureur n'est pas par exemple un expert en risque. Le professionnel n'est pas non plus tenu au devoir de conseil si le consommateur ne coopère pas : s'il ne lui communique pas les informations qui auraient dû le pousser à donner un conseil particulier. Si le consommateur est particulièrement compétent dans le domaine du pro, ce devoir de conseil peut aussi être "émoussé". En plus, le devoir de conseil ne s'applique pas aux informations connues de tous, qui n'ont pas forcément à être répétées par le professionnel ( Cour de Cass. Ch. civ. 3, 2002-03-06, 99-20637).


Illustration Laurence Gérardin : informations - contact

Conséquences

Si le devoir de conseil n'est pas respecté, on peut obtenir à l'amiable ou devant un juge une annulation du contrat souscrit ou encore une indemnité pour le préjudice subi suite à l'absence de conseil. A noter : le devoir de conseil n'est en général qu'une obligation de moyens, pas de résultats. Mais par exemple, les huissiers ont une obligation de résultat quand ils doivent vérifier la régularité du réglement d'une loterie : ils ne sont pas seulement un gage de sérieux, ils doivent garantir ce sérieux (article L 121-38 du Code de la Consommation).

Mais c'est au consommateur de prouver (Article 1315 du Code Civil) :
- que la responsabilité du professionnel est engagée, que le conseil a effectivement été mal ou pas donné ;
- que cet irrespect du devoir de conseil a entraîné un préjudice ;
- que le problème qui s'est produit provient bien de l'absence de conseil du professionnel.
Il a dix ans pour agir à partir du moment où le dommage se produit ou s'aggrave.

Et maintenant, les textes :
- pour le professionnel lambda, tout le tout premier Chapitre I du
Code de la Consommation porte sur l'information du consommateur. L'article L 111-1 prévoit : "Tout professionnel vendeur de biens ou prestataire de services doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service". Voilà pour l'obligation d'information.
- toujours pour tous les professionnels, l'article 1110 du Code Civil (et sa jurisprudence) prévoit que "l'erreur" peut être une clause de nullité de "la convention". Par conséquent, lorsqu'un vendeur garde le silence sur un problème lié au bien ou au service rendu, la vente peut être annulée
- Sur la réparation du préjudice, c'est tout simplement l'article 1382 du Code Civil qui s'applique.
- dans le domaine des assurances, par exemple, l'obligation d'information de l'assureur est basée sur l'article L112-2 du Code des Assurances ; elle se limite à une description objective du produit proposé mais l'assureur doit prouver qu'il l'a faite (Article R112-3). Dans d'autres domaines, il y a aussi des tas d'articles qui abordent l'obligation d'information, d'étiquetage ou autres qui peuvent fonder vos recours.

Publié dans Consommation

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