Encore trop de publicités sexistes !
L'égalité entre les femmes et les hommes est un principe reconnu par le droit depuis plusieurs décennies. Pourtant le sexisme, les discriminations à l'égard des femmes, les stéréotypes de genre demeurent très présents dans la société, comme le montre le "1er état des lieux du sexisme en France", publié en janvier 2019 par le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes.
Or la publicité contribue largement à diffuser et renforcer les préjugés sexistes.
Pour compléter notre article de mars 2018 sur la représentation de la femme dans la publicité, nous avons analysé les avis rendus au cours des derniers mois par le Jury de déontologie publicitaire (JDP). Force est de constater que les publicités sexistes restent une pratique encore trop répandue.
Rôle du Jury de déontologie publicitaire
Le contrôle de la publicité repose principalement sur l'autorégulation par les professionnels eux-mêmes, adhérents à l’ARPP (Autorité de régulation professionnelle de la publicité). Le Jury de déontologie publicitaire (JDP), placé auprès de l'ARPP, peut être saisi par toute personne qui se plaint d'une publicité. Le JDP examine les plaintes au regard des règles déontologiques établies par la profession. Concernant le sujet qui nous intéresse ici, le JDP, saisi d'une plainte, vérifie que la publicité critiquée est conforme à la Recommandation ARPP "Image et respect de la personne", qui encadre notamment l'utilisation de l'image de la femme dans la publicité.
Tous les avis sont publiés sur le site web du JDP avec un lien permettant de visualiser les publicités incriminées.
Les publicités réduisant la personne à la fonction d'objet
Dans de nombreuses publicités, la femme est vue comme un objet sexuel. Des images provocantes vont être utilisées pour attirer l'attention des consommateurs et les inciter à acheter tels produits ou services.
La Recommandation "Image et respect de la personne" de l’ARPP dispose que :
"1.1. La publicité ne doit pas être susceptible de heurter la sensibilité, choquer ou même provoquer le public en propageant une image de la personne humaine portant atteinte à sa dignité et à la décence. 2.1. La publicité ne doit pas réduire les personnes humaines, et en particulier les femmes, à la fonction d’objet".
Voici des exemples d'avis récents du JDP ayant reconnu le bien-fondé des plaintes contre des publicités réduisant la femme à la fonction d’objet. Une image dévalorisante de la femme a été utilisée pour promouvoir toutes sortes de produits ou services :
- une bière : avis PRALINE & PRIAPE 558/19 publié le 11 février 2019
- une loupe de lecture optique : avis LESA France 553/18 publié le 8 janvier 2019
- une soirée dans une boîte de nuit à Montpellier (avis BBOX CLUB 549/18) ou à Toulouse (avis O’CLUB 544/18), publiés le 7 décembre 2018
- des produits de nettoyage auto-moto : avis VULCANET 539/18 publié le 23 octobre 2018
- les services d’une entreprise de plomberie : avis C’ENERGIES 547/18 publié le 7 décembre 2018
- une fabrication de carrelages : avis CARRELAGE ET COMPAGNIE 540/18 publié le 11 octobre 2018
- la fabrication de pièces en acier : avis ABRAMS ACIERS PREMIUM 538/18 publié le 11 octobre 2018
- un plateau de fromages : avis LA CLOCHE A FROMAGES 537/18 publié le 11 octobre 2018
- une gamme de rouges à lèvres : avis M.A.C. 536/18 publié le 11 octobre 2018
- le lavage de véhicules : avis GOGO CARWASH 530/18 publié le 31 juillet 2018
- des éviers : avis LES GENTLEMEN DE LA SALLE DE BAINS / PLOMBERIE DOM 519/18 publié le 23 mai 2018
- des vêtements sportifs techniques pour la pratique de l’équitation : avis STUD ONE 524/18 publié le 28 juin 2018
- des maisons neuves : avis STORM IMMOBILIER 516/18 publié le 23 mai 2018
- des produits d’équipement de moto : avis Consolidated Motor Spares (CMS) 504/18 publié le 8 mars 2018.
Les représentations stéréotypées
La Recommandation "Image et respect de la personne" de l’ARPP dispose que :
"2-2 La publicité ne doit pas cautionner l’idée de l’infériorité d’une personne en raison de son sexe (...), notamment en réduisant son rôle et ses responsabilités dans la société. 2-3 La publicité ne peut valoriser, même indirectement, des sentiments ou des comportements d’exclusion, d’intolérance, de sexisme".
Trois avis récents du Jury de déontologie publicitaire illustrent l'utilisation de stéréotypes de genre dans la publicité.
L'avis BRAVOLOTO 556/19 publié le 11 février 2019 concerne une vidéo publicitaire représentant une situation de demande en mariage pour promouvoir un jeu de la société Marketluck. Le JDP relève que le film présente "une situation de stéréotype de genre dans laquelle l’homme est celui qui doit être riche, ne devenant digne d’intérêt que lorsqu’il a gagné 500 000 euros, et la femme est vénale, ne percevant le mariage que comme un mode de rémunération. Une telle publicité véhicule une représentation dégradante des relations interpersonnelles, qui se fonde sur des stéréotypes sexistes construits sur l’immaturité caricaturale des personnages tant masculin que féminin."
Les deux autres avis portent sur des représentations sexistes véhiculant l'idée que les femmes doivent effectuer les tâches d’intérieur, de ménage et de garde d’enfants pendant que les hommes se livrent à d'autres activités.
Dans une publicité pour des articles de bricolage et d’aménagement, l'homme est associé au bricolage et la femme au ménage (avis LA FERME DE LA FOLIE 534/18 publié le 31 juillet 2018). Dans une publicité pour des services à domicile, un homme illustre la prestation Jardinage alors que les prestations Ménage/repassage et Garde d’enfant sont illustrées par des femmes (avis CENTRE SERVICES 501/18 publié le 8 mars 2018).
Dans ces deux cas, le Jury considère que ces associations constituent, en l’espèce, une représentation stéréotypée. Ce genre de "publicité véhicule un stéréotype réducteur en ce qu’il assigne le genre à une fonction, réduisant ainsi le rôle et la responsabilité des femmes et valorisant, indirectement, des comportements de sexisme."
Lutter contre les pratiques publicitaires sexistes
Les consommateurs citoyens ont un rôle à jouer pour lutter contre les dérives inacceptables de la publicité.
Vous pouvez saisir le Jury de déontologie publicitaire, qui se prononcera sur votre plainte comme on l'a vu dans les avis ci-dessus.
Par ailleurs le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) est également chargé de veiller à l'image des femmes dans la publicité. Un dispositif de signalement en ligne, accessible à tout public, permet d'alerter le CSA sur un programme ou une publicité diffusés à la télévision, à la radio, ou accessibles sur un service à la demande.
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