Et si on mangeait du plastique ?!!!! (suite)

Publié le par Michèle Bernarda

Les impacts de l’utilisation des plastiques sur les consommateurs

 

Sur ce cycle de vie (voir article précédent) il reste l’impact de l’utilisation du plastique. Rappelons-nous de notre question « Et si nous mangions du plastique ?!!!».

Bien qu’il ne soit pas comestible le plastique se retrouve dans nos organismes et passe soit par l’alimentation soit par l’air soit par l’eau.

Il s’agit là de plastiques que l’on ne voit pas ce sont les plastiques cachés beaucoup plus discrets que le pot de yaourt laissé après un pique-nique, le filet de pêche oublié dans un océan ou le pneu jeté dans une rivière….

Qualifiés de micro plastiques ou de nano plastiques ce sont eux que nous ingérons.

Il n’y a pas de définition légale d’un micro plastique, mais différentes études et organismes parlent de « quelques millimètres » comme dans la législation européenne en discussion, ou de 5 mm, comme la NOAA (Agence américaine d'observation océanique et atmosphérique) aux USA. Les nano plastiques seraient les matières plastiques dont la dimension est inférieure ou égale à 100 nm[i].

Un tiers de la production plastique voire un peu plus sert à faire des emballages[ii].

Se pose alors la question de l’impact sanitaire des plastiques quand on sait qu’il a été démontré à plusieurs reprises que le plastique migre des emballages vers les aliments.

C’est ainsi que les plastiques se retrouvent dans notre alimentation.

En fait l’emballage plastique libère des monomères ou des additifs particulièrement quand ils sont chauffés ou gardés longtemps. Or certains de ces produits chimiques sont des perturbateurs endocriniens, d’autres sont cancérigènes et d’autres reprotoxiques.

Parmi les additifs les plus connus ayant au moins une de ces réjouissantes propriétés, les phtalates ou le Bisphenol A.

Rappelez-vous des mesures de précautions, limitation et d’interdiction sur l’utilisation de certains phtalates adoptées ces dernières années sur les jouets et articles de puériculture, les produits cosmétiques, les produits alimentaires les dispositifs médicaux[iii].

Certains phtalates ont été classés comme substances cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques par l’Agence Européenne des Produits Chimiques (ECHA). Leurs effets nocifs portent essentiellement sur la fertilité, le développement du fœtus et du nouveau-né. Ces phtalates sont également suspectés d’être des perturbateurs endocriniens.

Les phtalates sont des additifs utilisés comme plastifiants des matières plastiques pour les rendre souples notamment les PVC.

Nous pourrions aussi parler du Bisphenol A (BPA), fin 2012, le Parlement français adoptait une proposition de loi interdisant, dès 2013, le bisphénol A dans les contenants alimentaires destinés aux bébés et début 2015 pour les autres.

Cependant, la Commission Européenne a fixé en janvier 2018 une marge de tolérance pour l'incorporation de bisphénol A dans certains matériaux au contact des aliments alors que le BPA a été reconnu en tant que perturbateur endocrinien en juin 2017[iv].

Les nano plastiques présents dans l’alimentation le sont donc par transfert depuis les emballages mais aussi par contamination de la chaine alimentaire étant donné que l’environnement de certains animaux est contaminé, comme les océans et qu’ils sont ingérés par les fruits de mer, les poissons etc…

Ainsi dans l’alimentation, les crustacés, mais aussi la bière, le sel, le miel et le sucre sont les aliments qui présentent le plus haut taux de plastiques3 et[v].

Les plastiques sont aussi présents dans l’eau et sont ingérés directement. L’eau en bouteille mais aussi l’eau du robinet sont concernées.

D’après une étude de l’Université de New York de 2018[vi], sur 259 bouteilles provenant de 9 pays, 93% d’entre elles contenaient des micro plastiques, dans une quantité variable mais en moyenne deux fois plus élevée que dans l'eau du robinet.

Les particules retrouvées dans l'eau en bouteille sont différentes : alors que les fibres constituent 97 % des micro plastiques retrouvés dans l'eau du robinet, ils ne composent que 13% des particules contenues dans l'eau embouteillée, le reste étant des fragments de plastique et principalement du polypropylène qui entre dans la composition des bouteilles elles-mêmes.

Toujours d’après cette étude, la source principale des particules de micro plastiques peut donc provenir du processus industriel de mise en bouteille de l'eau mais aussi de la simple ouverture de la bouteille par le consommateur.

Les risques pour la santé restent encore très peu connus. Si les micro plastiques ont été détectés partout : eau de mer, eaux usées, eau douce, nourriture, eau embouteillée et eau du robinet, un rapport de l'OMS publiée en août 2019[vii] se veut rassurant malgré des études actuelles très lacunaires et pas toujours très fiables.

Ce qui est certain est que nous buvons du plastique. Pour la CLCV le choix de l’eau du Robinet est une évidence.

Nous le respirons aussi…Nous passons la majorité de la journée dans des locaux fermés, bureaux, maisons, appartement, magasin, cantines etc….

D’après plusieurs études la concentration en microparticules de plastique dans l’air intérieur est 10 fois plus élevée que celle dans l’air extérieur.

Effectivement des fibres plastiques sont présentes dans l'atmosphère.

Une bonne partie des canapés, des rideaux, des housses de couette en polyester et des textiles que l'on peut porter produisent naturellement des micro plastiques, par usure.

Le frottement, le simple fait de mettre ses habits, de bouger dans son lit, de marcher sur des tapis produit des petits bouts de fibres qui partent dans l'atmosphère de la maison.

Certaines fibres sont suffisamment grosses pour être stoppées dans les voies aériennes supérieures. En revanche nous pouvons inhaler celles qui sont plus petites.

Ces micro plastiques, venus de la dégradation de produits aussi divers que les vêtements synthétiques, les pneus, les lentilles de contact se retrouvent désormais partout sur la planète, sur les plus hauts glaciers comme dans le fond des océans…

Qu'il s'agisse d'ingestion ou d'inhalation, l'impact sur la santé des consommateurs est encore peu connu aujourd'hui.

Cependant d’après plusieurs chercheurs les fibres plastiques pourraient être un facteur complémentaire dans l'ensemble des agressions qui ont tendance à fragiliser nos organismes.

Nous l’avons compris les plastiques sont partout dans notre quotidien[viii].

A tel point, que pour la première fois, des scientifiques ont mis en évidence la présence de différentes microparticules de plastique dans plusieurs organes humains.

L'American Chemical Society a poussé des investigations un peu plus loin. Dans une recherche présentée lors d'une conférence de presse virtuelle, les scientifiques de l'université d'État de l'Arizona, ont démontré la présence de micro et nano plastiques dans plusieurs organes humains, dans le foie, les reins, la rate et les poumons. Ainsi, ils ont pu détecter une douzaine de types de polymères différents à l'intérieur des tissus des quatre organes analysés.

A suivre

[i]Bäuerlein et al., 2018; GESAMP, 2016; Lehner, Weder, Petri-Fink, & Rothen-Rutishauser, 2019; SAPEA, 2019

[ii]Le documentaire « Ces plastiques qui nous intoxiquent » (52 minutes, 2020) Ludivine Favrel pour Enquête de santé

[iii]Phtalates

-Jouets et articles de puériculture

L’utilisation de phtalates pour la fabrication de jouets et articles de puériculture destinés aux enfants de moins de trois ans est encadrée depuis 1999 (décision 1999/815/CE). Les substances considérées comme potentiellement dangereuses ont été interdites.

Produits cosmétiques

-Le réglement (CE) n° 1223/2009 du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 (refonte de la directive 76/768/CEE) interdit l’utilisation dans les produits cosmétiques de substances classées CMR de catégorie 1 ou 2 (parmi lesquelles le (DEHP)phtalate de di-2-éthylhexyle, le phtalate de dibutyle(BBP), et le phtalate de bi-2-méthoxyéthyle (DMEP)).

Produits alimentaires

-La directive 2007/19/CE interdit l’usage des phtalates DEHP et DBP pour les emballages plastiques en contact avec les aliments gras (risque de contamination des aliments) et impose des limites de migration pour le DEHP, le DBP et le BBP dans les autres applications alimentaires.

Dispositifs médicaux

-Le règlement européen n°1907/2006, dit règlement REACH, vise à renforcer le principe de substitution des substances jugées les plus dangereuses et à assurer une information la mieux documentée possible au public sur les risques liés à l’utilisation et/ou à l’exposition aux dites substances.

La Directive européenne 2007/47/CE entrée en vigueur le 21 mars 2010 impose de nouvelles exigences aux fabricants de certains dispositifs médicaux incluant les phtalates classés CMR (1 ou 2).

-Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS), www.inrs.fr

-Centre International de recherche sur le cancer (CIRC), http://monographs.iarc.fr

-Afssaps, Recommandations portant sur les phtalates dans les dispositifs médicaux, mars 2009

[iv]Règlement (UE) 2018/213 de la Commission du 12 février 2018 relatif à l'utilisation du bisphénol A dans les vernis et les revêtements destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires et modifiant le Règlement (UE) no 10/2011 en ce qui concerne l'utilisation de cette substance dans les matériaux en matière plastique entrant en contact avec des denrées alimentaires Texte du 12/02/2018, paru au Journal Officiel de l'Union Européenne le 14/02/2018.

[v] Plastiques dans les aliments

-Université Putra Malaysia dénonce la présence de microplastiques dans le sel de table. Résultats sont publiés dans la revue Scientific Reports ;

-Université belge de Gand dévoile que les amateurs de fruits de mers ingèrent entre 2.000 et 11.000 fragments de plastique chaque année. Selon les recherches du Dr Colin Janssen,

-Des chercheurs allemands ont en effet montré la présence de microplastiques dans des échantillons de miel allemand.”De par leur origine synthétique et leurs dimensions -de 10 micromètres (µm) à 9 mm selon les résidus-, certaines de ces particules répondent à la définition des microplastiques”,

-Le centre d’analyse de 60 millions de consommateurs a donc effectué des analyses sur 12 pots de miel vendus en France “quelle que soit leur origine et leur mode de production (conventionnel ou bio), tous les échantillons sont contaminés ». Toutefois, dans l’étude, les miels de provenance française et ceux issus de l’agriculture biologique incorporent moins de microplastiques que les autres”. La pollution des miels analysés varie entre 74 et 265 microrésidus de plastiques par kilogramme.

[vi] -SYNTHETIC POLYMER CONTAMINATION IN BOTTLED WATER Sherri A. Mason*, Victoria Welch, Joseph Neratko. State University of New York at Fredonia, Department of Geology&Environmental Sciences

-Microplastiques dans notre eau du robinet Enquête intitulée "Invisibles" menée par le média Orb et un chercheur de l'école de santé publique de l'Université du Minnesota (Etats-Unis) sur les 5 continents.

[vii]Microplastics in drinking-water ISBN 978-92-4-151619-8 © World HealthOrganization 2019

[viii]« Les risques de la pollution par les microplastiques pour l’environnement et la santé » Mécanisme de conseil scientifique (SAM) ; Groupe des conseillers scientifiques principaux ; Avis scientifique nº 6/2019

Publié dans Consommation

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