Fraudes alimentaires : restons vigilants!

Publié le par Jacqueline Jamet

Plusieurs scandales récents ont contribué à accroitre la méfiance des consommateurs à l'égard des produits alimentaires : œufs au fipronil, lasagnes au cheval, viande d'animaux traités au phénylbutazone… Le système d'approvisionnement mondialisé favorise le développement des fraudes à grande échelle, avec parfois l'implication d'organisations criminelles.

Il appartient aux autorités publiques de veiller à la sécurité et à la qualité des aliments et de combattre les pratiques frauduleuses sévissant dans le secteur agroalimentaire. C'est en particulier le rôle de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF) et de la Direction générale de l’alimentation du ministère en charge de l'agriculture (DGAL). Ces deux services ont publié leur rapport d'activité pour l'année 2019. Quels sont les enseignements à en tirer ? Quels sont les produits sur lesquels des fraudes ou anomalies ont été constatées ?

Lait infantile contaminé

Une usine implantée en Espagne fabriquait des produits de nutrition infantile à base de riz, contaminés par des salmonelles. Plusieurs nourrissons ont été infectés (atteints de salmonelloses). Cela a conduit au retrait de cette gamme de produits (Modilac et Lactalis). La DGCCRF relève que la prise en charge par les professionnels des rappels de produits contaminés a mieux fonctionné que lors de la précédente affaire de lait contaminé Lactalis (rapport DGCCRF 2019 p. 31).

La présence d’hydrocarbures aromatiques d’huiles minérales (MOAH) a été relevée dans des laits infantiles en poudre vendus dans plusieurs États membres de l'Union européenne (UE), dont la France. L'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a conclu dans son "évaluation rapide des risques" que l'exposition des nourrissons et des enfants en bas âge aux MOAH était potentiellement préoccupante pour la santé humaine (sp.efsa.2019.EN-1741). Des mesures de gestion des risques harmonisées doivent être prises au niveau de l'UE pour éviter la présence de MOAH dans les préparations pour nourrissons et les préparations de suite.

Fromages au lait cru

La consommation de lait cru ou de fromages au lait cru présente un risque important d’infection bactérienne chez les jeunes enfants : elle a provoqué une trentaine de cas de syndrome hémolytique et urémique en moins d'un an (rapport DGAL 2019 p. 11). Les enfants de moins de 5 ans ne doivent donc pas consommer ces produits.

Pains aux graines de pavot

Le pavot contient des alcaloïdes opiacés (comme la morphine). Les graines de pavot peuvent être contaminées lorsque des poussières issues des parties de la plante contenant ces alcaloïdes  adhèrent aux graines. La DGCCRF a réalisé une enquête sur les teneurs en alcaloïdes d’opium des produits de boulangerie contenant des graines de pavot. Sept échantillons (1 brioche, 2 bagels et 4 pains) étaient impropres à la consommation. Un échantillon de graines de pavot destinées au consommateur final dépassait légerement la valeur cible en morphine.

Ananas à l'éthéphon

L'éthephon est un produit chimique utilisé notamment pour la coloration des fruits. Il donne une couleur jaune orangé à l'ananas pain de sucre, qui normalement reste vert à maturité. La DGCCRF a analysé des lots d'ananas du Ghana importés à Rungis. Ils dépassaient tous les doses maximales autorisées et étaient impropres à la consommation (plus de 16000 ananas).

Épices

Les épices sont souvent l'objet de fraudes (notamment le safran et la poudre de chili). L'usage des épices et aromates est surtout important au niveau industriel (70 à 80 % des utilisations). L'enquête 2019 de la DGCCRF ciblait le poivre, paprika, piment, safran, origan, curcuma et cumin. Plus de 40 % des produits analysés présentaient une anomalie : présence significative de substances de charge, matières étrangères ou colorants exogènes, critères de qualité non respectés, anomalies d’étiquetage (rapport DGCCRF 2019 p. 47).

Produits bio

La France a participé à l'opération OPSON VIII coordonnée par Interpol et Europol. L'action ciblait les fraudes dans le domaine de l'agriculture biologique. La DGCCRF a mené 741 contrôles de décembre 2018 à avril 2019. Ils ont donné lieu à 14 procédures administratives et 10 procédures pénales pour non-respect du règlement européen 1169/2011 sur l’information du consommateur ou pratique commerciale trompeuse. Les pratiques concernent par exemple l’absence de justification de la certification agriculture biologique, défaut de traçabilité, absence des mentions d’étiquetage obligatoires…

La DGAL a également participé à l'opération OPSON VIII pour le ministère de l’agriculture et de l’alimentation. Mais elle n'a constaté aucune non-conformité sur les lots contrôlés (rapport DGAL 2019 p. 37).

Rappelons qu'en 2018, les contrôles de la DGCCRF sur les produits biologiques d'origine végétale avaient révélé un taux de non-conformité pour la présence de pesticides interdits en agriculture biologique de près de 5 % (rapport DGCCRF 2018 p. 34).

Francisation de fruits et légumes importés

Selon la DGCCRF, les manquements en matière d’indication du pays d’origine des fruits et légumes sont  nombreux et récurrents (rapport p 47).

L’enquête ayant mis en évidence la francisation de 150 tonnes de kiwis bio achetés en Italie a abouti à la condamnation de deux  entreprises en 2019. En Bretagne, un grossiste a été contrôlé en flagrant délit de tromperie pour avoir étiqueté "origine France" des tomates de différentes origines. Une entreprise basée dans le Nord revendait depuis trois ans, comme étant d' origine française, des champignons frais achetés auprès  de fournisseurs polonais et belges.

Steaks hachés

Des steaks hachés fabriqués en Pologne ont été distribués en France par des associations d'aide alimentaire (au titre du programme FEAD - Fonds européen d'aide aux plus démunis). Les analyses ont révélé d’importantes non-conformités (excès de collagène, présence de tissus et glandes interdites, taux de matière grasse non conforme, etc.). La DGCCRF a saisi la justcie pour faits de tromperie en bande organisée (rapport 2019 p. 48). Cette affaire a fait l'objet d'un rapport d'information de la commission des affaires économiques du sénat en juillet 2019.

Vin

La DGCCRF contrôle particulièrement les vins et spiritueux, avec neuf brigades d’enquêtes dédiées. Le rapport 2019 mentionne notamment la francisation de vins espagnols ainsi que des fraudes et falsifications sur des Chablis Grand Cru et 1er Cru.

Vente de pesticides interdits

Une enquête effectuée dans six régions avait révélé l'utilisation par des exploitants agricoles de produits interdits en France. L'affaire a abouti à une condamnation pénale en 2019 pour la vente illégale de pesticides espagnols ne bénéficiant pas d’une autorisation pour leur mise en vente en France (rapport DGAL 2019 p. 36).

Fraudes dans l'exportation de bovins

Une enquête a conduit à la mise en cause de plusieurs personnes dans la Creuse. Les fraudes soupçonnées portent notamment sur la non-réalisation de tests sur les animaux expédiés et la fourniture de faux certificats de vaccination pour des bovins exportés (rapport DGAL 2019 p. 36).

Références :

Bilan d’activité 2019 de la DGCCRF

DGAL : rapport d'activité 2019

 

Publié dans Consommation

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