Litiges de consommation : obligation de chercher un accord amiable avant de saisir le tribunal judiciaire
Pour les litiges les plus courants de la vie quotidienne, le consommateur ne peut pas aller directement devant le juge pour faire valoir ses droits. Il doit au préalable tenter de résoudre le litige à l'amiable. A cet égard, les règles ont changé depuis la réforme judiciaire entrée en vigueur le 1er janvier 2020. Voyons dans quels cas la tentative de résolution amiable des litiges est désormais obligatoire et quels sont les modes de règlement amiable autorisés.
Litiges soumis à une phase amiable
Nous avons vu dans un précédent article que les litiges des consommateurs relevaient en général de la compétence du tribunal judiciaire (dont font partie le tribunal de proximité et le juge des contentieux de la protection).
Avant d'introduire une demande devant le tribunal judiciaire, il est obligatoire, dans certains cas, d'avoir au préalable tenté un règlement amiable sous une forme bien précise, définie par la loi (nous verrons plus loin comment).
Il s'agit seulement de tenter de résoudre le litige à l'amiable. Il est évident que les adversaires ne sont pas obligés de se mettre d'accord…
Le champ d'application de cette obligation a été défini par l'article 3 de la loi n°2019-222 du 23 mars 2019, qui a modifié l’article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016. La loi a été complétée par le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 (article 4).
L'obligation concerne principalement les demandes en paiement d'une somme inférieure ou égale à 5000 €. Elle s'applique aussi à certains conflits de voisinage particuliers (bornage, servitudes d'écoulement des eaux…).
La loi exclut du dispositif les litiges relatifs aux crédits immobiliers et aux crédits à la consommation, soumis aux dispositions d'ordre public du code de la consommation (plus précisément la loi vise les "litiges relatifs à l'application des dispositions mentionnées à l'article L. 314-26 du code de la consommation"). Pour le surendettement, la question ne se pose pas car ce sont des règles particulières du code de la consommation qui régissent les recours devant le juge des contentieux de la protection.
Les parties sont dispensées de recourir à un mode de règlement amiable avant de saisir le juge dans quatre cas :
1. Le juge est saisi pour homologuer un accord entre les parties. Cela suppose que les intéressés ont déjà réglé leur différend.
2. L'exercice d'un recours préalable est imposé auprès de l'auteur de la décision. Cela est prévu par exemple dans certains contentieux en matière fiscale ou sociale.
3. Une disposition particulière impose au juge ou à l'autorité administrative de procéder à une tentative préalable de conciliation. Cela existe par exemple dans la procédure de saisie des rémunérations.
4. Il existe un motif légitime justifiant l'absence de démarche amiable. Mais attention, la liste des motifs considérés comme légitimes a été fixée par décret (article 750-1 du code de procédure civile). Sont admis les motifs suivants :
a) Urgence manifeste.
b) Circonstances rendant impossible la tentative de règlement amiable. Cette formule est assez large et pourra donner lieu à interprétation. Une note de la direction des affaires civiles et du sceau de décembre 2019 donne l'exemple du défendeur habitant à l'étranger.
c) La décision sollicitée relève d'une procédure non contradictoire (c'est-à-dire décision rendue sans que la partie adverse soit appelée, par exemple ordonnance sur requête ou injonction de payer).
d) Indisponibilité de conciliateurs de justice "entraînant l'organisation de la première réunion de conciliation dans un délai manifestement excessif au regard de la nature et des enjeux du litige" (article 750-1 CPC). Selon la note précitée de la direction des affaires civiles et du sceau, la dispense sera appréciée en tenant compte du nombre de conciliateurs inscrits sur les listes de la cour d’appel.
Modes de règlement amiable autorisés
Dans les cas (examinés ci-dessus) où la tentative de règlement amiable est obligatoire, les parties ont le choix entre trois (et seulement trois) modes de résolution amiable de leur conflit : la conciliation, la médiation, la procédure participative.
Cela est prévu par la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 (qui a modifié la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016) :
"la saisine du tribunal judiciaire doit, à peine d'irrecevabilité que le juge peut prononcer d'office, être précédée, au choix des parties, d'une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d'une tentative de médiation, telle que définie à l'article 21 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, ou d'une tentative de procédure participative".
De quoi s'agit-il ?
Aux termes de la loi, il s'agit exclusivement de la conciliation menée par un conciliateur de justice.
Les conciliateurs de justice sont bénévoles, ce qui permet aux usagers de bénéficier d'une conciliation gratuite.
La conciliation menée par le conciliateur de justice est soumise aux règles prévues par les articles 1536 à 1541 du code de procédure civile.
Le conciliateur de justice peut être saisi sans forme particulière par toute personne physique ou morale. Vous trouverez toutes les informations nécessaires et une notice explicative sur le site internet des conciliateurs.
Aux termes de la loi, il s'agit de la médiation définie à l’article 21 de la loi n°95-125 du 8 février 1995.
La définition donnée par la loi 95-125 est la suivante : "tout processus structuré, quelle qu'en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l'aide d'un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par le juge saisi du litige".
Contrairement à la conciliation, la médiation est en général payante. L'aide juridictionnelle peut être demandée.
Il existe un dispositif spécifique pour les litiges de consommation. Ce dispositif a été imposé dans l'Union européenne par la directive 2013/11/UE du 21 mai 2013 sur le règlement extrajudiciaire des litiges de consommation.
Pour le consommateur, la médiation gratuite est un droit reconnu par l'article L612-1 du code de la consommation : "Tout consommateur a le droit de recourir gratuitement à un médiateur de la consommation en vue de la résolution amiable du litige qui l'oppose à un professionnel. A cet effet, le professionnel garantit au consommateur le recours effectif à un dispositif de médiation de la consommation."
La médiation en elle-même est gratuite pour le consommateur. Toutefois il a la possibilité, à sa charge, de se faire représenter par un avocat ou assister par un tiers, ou de solliciter l'avis d'un expert (article R612-1 du code de la consommation).
La médiation de la consommation est régie par les articles L611-1 et suivants, R612-1 et suivants du code de la consommation.
Vous trouverez toutes les informations utiles sur le site internet de la médiation de la consommation.
La procédure participative suppose l'intervention d'avocats. Chacune des parties adverses choisit son avocat. La négociation se fait dans le cadre d'une "convention de procédure participative". Il s'agit d'une "convention par laquelle les parties à un différend s'engagent à œuvrer conjointement et de bonne foi à la résolution amiable de leur différend (…)" (art. 2062 du code civil).
Le coût de la procédure participative correspond aux honoraires de l'avocat, auxquels peuvent s'ajouter des frais d'expertise s'il y a lieu. A noter que l'aide juridictionnelle (soumise à conditions de ressources) peut être accordée pour une procédure participative (article 10 de la loi n° 91-647 modifiée du 10 juillet 1991).
La procédure participative est soumise aux règles prévues par le code civil (articles 2062 et suivants) et le code de procédure civile (articles 1543 et suivants).
Tels sont les trois modes susceptibles d'être utilisés pour satisfaire à l'obligation de passer par une phase amiable avant de saisir le tribunal judiciaire. Lors des débats parlementaires sur le projet de loi Programmation 2018-2022 et réforme de la justice, plusieurs amendements avaient été déposés pour autoriser d'une manière générale "toute tentative de résolution amiable". Ces amendements ont été repoussés par le gouvernement. Lors de la séance du 21 novembre 2018 à l'assemblée nationale, Laetitia Avia, rapporteure de la commission des lois déclarait : "L'idée est de bien préciser les modes de conciliation possibles."
Conséquences pratiques
Les règles exposées plus haut s'appliquent à toutes les instances introduites à compter du 1er janvier 2020. Si le justiciable ne s'y conforme pas, il s'expose à voir sa demande déclarée irrecevable. L'article 54 du code de procédure civile dispose :
"A peine de nullité, la demande initiale mentionne : (…)
5° Lorsqu'elle doit être précédée d'une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative, les diligences entreprises en vue d'une résolution amiable du litige ou la justification de la dispense d'une telle tentative ;"
Ces nouvelles règles sont reprises dans les formulaires de requête pour saisir le tribunal judiciaire (Cerfa n° 16042*01) et le juge des contentieux de la protection (Cerfa n° 16041*01)
Par ailleurs, il est possible de faire une "demande aux fins de tentative préalable de conciliation". Cette demande est "formée par requête faite, remise ou adressée au greffe" du tribunal judiciaire (article 820 du code de procédure civile). Le portail justice.fr propose un formulaire de demande de conciliation (cerfa n°15728*02), assorti d'une notice explicative (52178#4). Il précise que cela "permet de demander une conciliation au greffe du tribunal".
L’objectif poursuivi par les dispositions décrites ci-dessus est de développer les modes alternatifs de résolution des différends, en déchargeant d'autant les tribunaux, La loi Programmation 2018-2022 et réforme de la justice du 23 mars 2019 prévoit d'autres mesures allant dans le même sens, regroupées dans une section intitulée "Développer la culture du règlement alternatif des différends". Ainsi, la loi généralise la possibilité pour le juge d’enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur à tout moment de la procédure, y compris en référé. Par ailleurs la loi encadre l'offre de services en ligne de résolution amiable des différends, qui est appelée à se développer. Les règles concernent notamment la protection des données et la certification.